Qu'est-ce qui est le plusse transphobe, séparer ou grouper les hommes cis et trans ?

mars 2, 2024 Temps de lecture: 18 minutes

Ce week-end commençait bien, et puis on m'a partagé la vidéo de Leo sur le slogan "cis men are trash"

Pour résumer, Léo revient sur le slogan "cis men are trash", qui se veut plusse sympa que le sobre "men are trash" en prenant soin de ne pas viser les hommes trans par cette affirmation péremptoire. Sauf que pour lui, épargner les hommes trans revient à les discriminer, et relève d'un raisonnement transphobe.

Sans être en désaccord total, il y a plusieurs choses qui me grattent dans ce qu'il raconte, aussi j'avais envie de faire un petit retour blog-esque sur sa vidéo. Je vous encourage à la regarder d'abord, et de mon côté je vais citer les passages sur lesquels je veux rebondir, avec le timecode.

Les points où je ne suis pas d'accord

1. Sur l'exemple du harcèlement de rue

1:27 Juste une précision avant de commencer, on va parler de mon expérience. C'est à dire l'expérience d'un homme trans qui a un passing.

2:00 On va prendre une expérience que toutes les femmes connaissent et que j'ai moi même expérimenté de mes 10 à 30 ans. Le harcèlement de rue.

Le harcèlement de rue, je me rappelle de ce que ça fait et si je force bien, je peux me rappeler du sentiment d'inconfort et d'exaspération que je ressentais dans l'espace public. Vraiment, c'était très chiant quand je le vivais, c'était très très chiant. Mais, ce dont je me rappelle le mieux, c'est du sentiment de soulagement que j'ai ressenti quand les gens ont commencé à me voir comme un homme et que le harcèlement s'est arrêté net.

Là on est déjà en territoire inconnu pour moi. Petit disclaimer, le harcèlement de rue j'en ai peu connu. Je peux compter les occurrences, c'est dire.

Par contre, ça ne s'est pas arrêté. Y'a même une fois où je rentrais de mon rendez-vous avec ma médecin généraliste pour faire renouveler mon ordonnance de testo, et je me suis fait suivre jusqu'au RER par un mec qui voulait "juste discuter", demandait mon prénom, etc... Plutôt ironique pour le coup.

Donc non seulement, pour moi, le risque de harcèlement sexiste ne s'est pas vraiment arrêté, mais maintenant en plusse je crains de subir un harcèlement homophobe selon à qui je tiens la main dans la rue, et comment on est perçus par les mecs autour de nous. Mais c'est ptet pas le harcèlement de rue auquel il pense, certes.

3:01 Aujourd'hui, le harcèlement de rue, pour moi, c'est vague, c'est loin. C'est devenu un concept abstrait. Et je vais même être encore plus honnête que ça, aujourd'hui le harcèlement de rue, je serais tenté d'en dire que "c'est chiant, mais... ça vaaa, ça va."

Là ça commence à devenir bizarre pour moi, car comme dit j'en ai peu vécu, et ça arrive de moins en moins souvent, mais cependant ça reste très concret dans ma tête.

Et si on généralisait l'exemple "harcèlement de rue sexiste" à "toutes sortes de discrimination", ça ne me viendrait pas à l'esprit de dire "ça vaaa" à propos d'une discrimination que je ne vivrais pas, et dont je ne saurais rien. Du coup je ne comprends pas comment ce "glissement" dans sa perception du harcèlement de rue a pu avoir lieu, et je ne suis pas satisfait de son explication qui est "c'est parce que je n'y suis plus exposé", puisqu'elle ne me semblerait pas acceptable s'il essayait de dénigrer l'impact négatif de comportements racistes ou anti-sémites par exemple.

Je comprends que ce qu'il essaye de dire, c'est "les hommes ne comprennent pas le harcèlement de rue, parce qu'ils ne le vivent pas". Mais pour moi y'a pas besoin de comprendre pour condamner, par exemple.

3:30 Ma perception du harcèlement de rue, elle a changé. Et ce changement, il s'est fait avec la transition sociale. Maintenant, je suis un homme traité comme un homme. [...] Parce que ce changement de perception, il s'est fait avec mon changement de place sociale de femme à homme.

L'un des trucs qui me dérange, dans le féminisme matérialistes, c'est cette idée très tranchée (pour ne pas dire binaire) de ce qui constitue la "place sociale", ou le "groupe social" des hommes et des femmes. Et que la différence serait très marquée entre ces deux groupes. Alors que de mon expérience, certes très marginale, y'a une bonne zone grise au milieu. Celle où les gens savent pas trop comment te genrer, sont gênés, peuvent devenir hostiles. Mais OK, admettons qu'ici on ne parle pas des personnes non-binaires ou "en transition avec passing flou".

6:00 Je me suis adapté à ma nouvelle position sociale d'homme et j'y pense même plus. D'ailleurs, j'oublie même ce que ça fait d'être une femme.

C'est là qu'il met le point sur une grosse différence entre lui et moi : je ne me sens pas "adapté" à une position sociale d'homme, et je n'ai pas oublié ce que ça faisait d'être une femme.

7:25 Mais revenons aux hommes trans. Les hommes trans occupent une position sociale d'homme, donc inévitablement, ils voient le monde avec des yeux d'hommes.
Et depuis cette position, les femmes, baaaaaaaaaaaah... Elles cassent un peu les c...

Je ne suis pas d'accord sur le "inévitablement".

Quand j'entends des mecs au boulot commenter le corps des femmes autour d'eux, je suis très très conscient que si je changeais ma présentation de genre, ça pourrait être moi qui subirait ces commentaires. Je trouve difficile d'oublier d'où je viens.

J'ai aussi du mal à voir en quoi les femmes "casseraient les couilles" puisque leurs revendications me semblent légitimes (que ça soit contre les écarts de salaire, ou demander aux hommes de prendre part aux tâches ménagères).

Bref, pour l'instant je me sens mal à l'aise de me retrouver "dans le panier" des hommes, cis et trans, alors que ce que décrit Léo est très loin de mon vécu personnel. Je ne pense pas que mon expérience ait plusse de poids que la sienne, par contre ça me gêne qu'il veuille généraliser son expérience au mépris de la mienne.

2. Sur "Men are trash"

8:00 Maintenant, je vais vous expliquer pourquoi est-ce que c'est bien important d'inclure les mecs trans dans les slogan “Men are trash”

Vraiment c'est une phrase qui m'a fait mourir de rire, je vous en propose une petite traduction :

"[...] pourquoi est-ce que c'est bien important d'inclure un groupe discriminé dans les slogans qui visent les discriminants"

Là je confirme que ça va être très compliqué de me convaincre. (Spoiler alerte, je ne suis toujours pas convaincu)

8:37 A la base, “men are trash” c'était pas fait pour insulter tous les hommes de connards premiers degré, ça avait un message. [...]
A la base “men are trash” c'était pour pointer du doigt notre structure sociale qui est patriarcale et qui fait des hommes, des ordures et ça inclut les mecs trans.
Donc si on dit “cis men are trash” c'est plus le patriarcat qu'on critique, ce sont les hommes cisgenres. Et on le fait en mettant les hommes transgenres dans la même catégorie que les femmes, la catégorie des gentils.

Je trouve ça super bizarre d'entendre "(cis) men are trash" et d'en conclure "women are awesome, actually". Oui, même s'il explique ensuite pourquoi.

Et je comprends qu'il fasse une différence entre :

  • "men are trash" qui vise un système, le patriarcat
  • "cis men are trash" qui ne vise plu un système mais des individus

Sauf que malgré tout, déjà à la base, on dit "men are trash" et pas "patriarcat is trash".

Donc s'il accepte que dans un cas, "men" désigne un système, pourquoi "cis men" ça ne désignerait plu ce système ?

Pour moi, si les hommes trans peuvent participer au maintien du système patriarcal, et à l'oppression de la classe social des femmes, la responsabilité en incombe quand même majoritairement aux hommes cis, donc ça ne me choque pas de les viser plus précisément par ce slogan.

10:31 Quand on dit “cis men are trash”, qu'est ce que ça nous dit des femmes ?
Quand tu dis que quelqu'un est nul, c'est nécessairement en comparaison avec une autre personne qui serait meilleure.
C'est comme ça qu'on construit une hiérarchie sociale.
Pour les groupes d'individus, c'est pareil quand on dit premier degré que tous les hommes sont des connards qui dominent et agressent parce que ce sont des hommes.
On dit en sous texte que toutes les femmes sont des êtres de lumière, doux et gentils, qui veulent la paix pour le monde entier parce que ce sont des femmes.

Pour résumer, et si j'ai bien compris, si on critique des individus et non un système, cette critique porte en elle les louanges idéalisées des individus "opposés" et c'est une mauvaise idée car elle est essentialisante pour les parties concernées.

Bah du coup ça me semble difficile de critiquer qui que ce soit.

Enfin je pense que son propos c'est de dire qu'il ne faut pas critiquer les individus mais les systèmes, et là dessus je suis plutôt d'accord, mais je pense qu'on peut aussi un peu critiquer les individus qui portent le système... qu'ils se sentent concernés, quoi...

3. Sur "hommes cis VS hommes trans VS femmes trans"

16:54 Faut aussi comprendre que, à partir du moment où vous êtes transphobes avec les hommes trans, vous l’êtes aussi par ricochet avec les femmes trans. Parce que si vous considérez que les hommes trans malgré leur transition gardent une perception du monde "de femme". Et restent "gentils". Bah vous allez considérer que c’est pareil pour les femmes trans. Que malgré leur transition, elles gardent une perception du monde "d’homme" et restent des ordures.

Je vais rebondir un peu là dessus, parce que ça fait écho à une source de tension semi-récurrente dans mes milieux.

"Est-ce que c'est OK de mettre d'un côté les hommes cis, et de l'autre tout le reste (soit les femmes cis & trans, personnes non binaires, et hommes trans) ?"

Question qui est notamment posée au moment de choisir avec qui on pourrait nouer des relations amoureuses. Question que j'ai vu posée sur Mastodon, et où je me suis trouvé en désaccord avec un autre répondant, qui considérait comme Léo qu'établir une différence entre hommes cis et trans était transphobe.

Ma position, c'est que comme d'hab, ça dépend pour quoi : faire deux équipes de foot d'hommes, une équipe cis et une trans, me semblerait effectivement discriminatoire et transphobe.

Mais quand il s'agit de définir sa "dating pool"*, avec comme objectif de nouer une relation amoureuse derrière, pour moi ça se défend de mettre les hommes cis d'un côté, et les hommes trans avec littéralement le reste de la dating pool, car ainsi toute cette dating pool aura une chose en commun : l'expérience du sexisme. Cette expérience peut être passée ou actuelle, je m'en fous, juste je comprends que quand on cherche à faire des rencontres amoureuses, surtout si on est bi/pan, on en arrive à se dire "'n'importe qui tant que je n'ai pas besoin d'avoir à expliquer le sexisme".

Et si malgré tout on tombe sur un mec trans sexiste ? C'est pas grave, on peut le jeter.

* Y'a pas de traduction littérale, moi je dirais que c'est un "périmètre de baisabilité". On parle de "dating pool" pour désigner les personnes anonymes qui correspondent à nos critères pour sortir avec quelqu'un. Par exemple, y'a cette idée fausse que les personnes bi ont un "dating pool" deux fois plus élevé que celui des hétéros puisqu'elles pourraient sortir avec un homme OU une femme.

Les trucs où je suis d'accord

1. Sur les femmes misogynes

Sauf que le problème... Des femmes turbo misogynes, ben il y en a beaucoup.

Je comprends ce qu'il veut dire par là, quand il signale que plein de femmes sont misogynes, et qu'il revendique le droit des femmes à être des connasses !

J'ai effectivement pu voir, chez des potesses, se développer l'idée très manichéenne que "tous les hommes sont des salauds, alors que les femmes...", l'idée d'une "pureté féminine" qui les rendrait incapables de comportement toxiques.

Par exemple, quand on parle de violences conjugales, je vois parfois passer des appels au "lesbianisme politique" comme solution à ça. Le lesbianisme politique, c'est le fait pour les femmes de choisir de ne plu sortir avec des hommes. Donc potentiellement de ne sortir qu'avec des femmes (indépendamment de leur orientation sexuelle), ou d'organiser entre femmes des alternatives à la famille nucléaire hétéro-parentale.

Pour moi, c'est une position qui se défend, parce que les hommes sont encouragés par la société à profiter du labeur des femmes (en leur refilant les tâches ménagères, en leur faisant porter et élever les enfants, en les payant moins au boulot et en leur refusant des promotions parce qu'elles sont susceptibles de porter et élever des enfants, en les faisant "aider" (= bosser) pour leur auto-entreprise sans les rémunérer...), et les femmes sont peu défendues lors de violences conjugales ou domination économique.

Cependant, non, contrairement à ce que j'ai pu lire, je ne pense pas qu'être un couple lesbien assure une protection garantie contre les violences au sein du couple. En ça, je rejoins Léo sur son point de vue, qui est que les femmes peuvent être tout autant des connasses que des hommes, même sans l'appui de toute une société derrière.

2. Sur comment ne pas être misogyne

Cette section se retrouve dans "je suis d'accord" parce que... c'est le cas, mais je dois dire que la façon dont c'est amené m'irrite.

15:33 La question que tout le monde se pose maintenant, c'est de savoir comment est ce que nous, les hommes trans, on fait pour ne pas devenir problématiques alors que tout notre monde social nous y encourage. [...]
Bah, on fait comme les hommes cis, on utilise notre agentivité. C'est à dire qu'on décide d'être acteurs de notre existence et pas seulement passifs vis à vis de notre position sociale et de ce qu'elle implique.
Pour le dire plus simplement,on choisit de faire ce qu'il faut pour être des personnes décentes.

(...)

16:36 Depuis une autre position sociale que la mienne, depuis la position sociale de femme, le harcèlement de rue, c'est un enfer et il n'y a pas moyen de faire quoi que ce soit pour l'arrêter.
Et comme moi, du haut de ma position d'homme, j'ai tendance à l'oublier très vite, mais que je ne veux pas me faire cancel... Bah je fais des efforts pour m'en rappeler chaque fois que j'ai des pensées misogynes.

Là c'est le moment où j'ai compris que tous les passages où Léo se filme sur son canapé, à jouer à Elden Ring, et dire que les femmes "cassent un peu les couilles", c'est un personnage qu'il incarne pour se mettre au niveau des hommes cis et leur dire "Je suis comme vous ! J'ai les mêmes pensées que vous, et je vous montre comment ne pas être un connard !"

C'est un discours utile mais j'ai quand même l'impression que les personnes transmascs se font jeter sous le bus au passage. Parce que ça a toujours été important pour moi de revendiquer mon attachement aux luttes féministes, donc ça me vexe de voir quelqu'un avec un parcours vaguement similaire au mien, "confier" que s'il fait pas gaffe il devient misogyne tellement l'oppression sexiste c'est loin pour lui.

3. La conclusion

17:34 Vous savez je crois que ce qui m'énerve le plus avec ce slogan “cis men are trash” c'est qu'il sous entend que si je suis un homme correct, c'est parce que je suis trans. Or, je suis désolé, mais si je suis un homme correct, c'est parce que je fais comme tout le monde. J'y travaille et j'aimerais bien que ce travail soit reconnu à sa juste valeur. Ça ne veut pas dire que je veux des cookies, non merci, mais juste qu'on arrête de me ramener à ma transidentité dès que j'ai un comportement décent. La transidentité, ce n'est pas un totem moral. Et les trans sont comme les autres, avec autant de qualités et autant de défauts.

Ca m'attriste de comprendre de quoi il parle, mais pour avoir déjà lu quelqu'un asséner "transitionne ou ferme ta gueule !" (le sujet n'était même "pour être légitime à parler de transidentité"), oui, j'aimerais que certaines personnes trans fassent leur auto-critique et ne considèrent pas leur transidentité comme un totem d'immunité morale.


Recommandation d'animes sortis en 2019

août 21, 2023 Temps de lecture: 7 minutes

Ne me dites pas que 2019 c'était y'a longtemps, c'était y'a pas si longtemps, ok ?

Disclaimer : Cet article est alimenté par une vieille liste initialement postée sur Mastodon sans plusse d'informations.

Demon Slayer : Kimetsu no Yaiba

Affiche. 4 personnages en kimono sont tournés vers la gauche, la main au sabre, prêts à se battre.

Synopsis : 

Tanjirō Kamado mène une vie paisible, quoique modeste, avec sa famille, jusqu'au jour où les siens sont massacrés alors qu'il est descendu en ville vendre du charbon. Seule Nezuko, sa petite sœur, survit, mais elle est transformée en démon. Tanjirō va alors s'engager auprès des pourfendeurs de démons, pour se venger de celui qui a décimé sa famille, mais aussi afin de trouver un remède qui rendrait son humanité à sa sœur.

J'ai aimé pour :

  • C BO PTN
  • Tellement beau, l'animation me met o sol
  • Le perso principal, Tanjirô, est quelqu'un d'un peu bête (c'est normal dans les shônens) mais surtout, de profondément gentil. Et pas gentil dans le sens "aider les personnes âgées à traverser la route", dans le sens où même s'il se bat contre des goules et cherche à les tuer, il les respecte en tant qu'individus, et regrette de devoir en arriver là. Je trouve ça inhabituel dans la scène shônen, et c'est très doux.
  • L'humour qu'apporte Inosuke, un mec qui a grandi dans la forêt et s'identifie d'avantage à un sanglier, me fait mourir de rire.

J'ai moins aimé pour :

  • Le trope "le harcèlement sexuel c'est rigolo" incarné par Zen'Itsu
  • L'absence d'envergure/de développement pour l'unique perso féminin récurrent, Nezuko. Elle est littéralement baillonnée pendant tout l'anime, y'a pas de volonté de la faire communiquer autrement (par écrit ou geste), et elle est endormie les 3/4 du temps. 
  • Au début j'étais content de voir des personnages humains avec un chara-design "plausible", et puis... on a rencontré les Piliers.

Sarazanmai

Affiche. Plein de perso masculins, accompagnés de kappa, semblent emportés par une vague vers la même direction. Globalement tout le monde sourit et c'est très coloré.

Synopsis :

On suit un groupe de trois collégiens (Kazuki, Toi et Enta) qui sont contraints de servir un prince Kappa (une création fantastique japonaise, un genre de gobelin des eaux). Eux-mêmes transformés en kappa, ils doivent collecter des shirikodama, une boule mythique située dans l'anus de leurs cibles, des créatures monstrueuses engendrées par l'Empire Loutre, ennemi héréditaire du royaume Kappa. S'ils mènent à bien leur mission, ils pourront éventuellement se voir exaucer un voeu.

Ouais, faut pas trembler des genoux quand on rédige ça. L'aspect "bizarre" du scénario s'explique en partie par son réalisateur, Ikuhara, que personnellement j'adore, mais sa signature c'est vraiment "des animes bizarres".

J'ai aimé pour :

  • C'est un anime de "magical girls" mais avec des garçons (rare !)
  • Leur scène de transformation est incroyable de cringe, on sent l'aspect parodique et critique des traditionnelles scènes de transformation sexualisées de jeunes filles.
  • Les musiques super-catchy qui restent en tête (pour toujours)
  • Très coloré et joli
  • Bon mélange feel good + angst 

J'ai moins aimé pour :

  • J'ai trouvé ça trop court pour tout bien développer, du coup tout a l'air de se régler très rapidement.
  • J'ai pas beaucoup de sympathie pour le perso binoclard, et son "arc" n'y a pas changé grand chose (je le trouve même moins prenant que les autres).

Ca parle quand même beaucoup de fesses, y compris de personnages jeunes, donc si le résumé vous a mis mal à l'aise, c'est ptet pas la peine de forcer. (Je trouve ça toujours compliqué de recommander des animes d'Ikuhara parce qu'il va vraiment au corps-à-corps des sujets tabous.)

The Promised Neverland

Affiche. Une jeune fille rousse tient deux garçons par la main. Ils sont debout sur une très grande assiette, avec des chiffres romains gravés sur les bords, qui rappelle une horloge. Tous trois ont l'air déterminés.

Synopsis :

Emma et ses frères et sœurs, tous orphelins, mènent une vie heureuse dans leur orphelinat Grace Field House, bien que celui-ci soit très isolé du monde extérieur et que tous les enfants aient un numéro d'identification tatoué dans le cou...

Un soir, après le départ d'une fillette vers sa famille d'adoption, Emma découvre que les enfants sont en réalité du bétail. Ils sont élevés dans une ferme à l'allure d'orphelinat, et livrés à des monstres avec le consentement de "Maman", leur figure maternelle et la directrice de Grace Field. Ils devront alors faire preuve d'ingéniosité pour survivre, et tenter de s'échapper vers un monde qu'ils ne sont pas si sûrs de connaitre.

J'ai aimé pour :

  • Le thriller en huis-clos est impeccablement exécuté.
  • Les personnages sont attachants.
  • Emma est un personnage principal qui est une fille, et elle n'est pas du tout stéréotypée, je trouve ça hyper rare et c'est vraiment giga plaisant.
  • J'aime beaucoup suivre des underdogs qui n'ont que leur cerveau pour s'en sortir.

J'ai moins aimé pour :

  • J'ai vraiment rien à redire à la saison 1. Mais je pense qu'il vaut mieux s'arrêter là, la saison 2 est très différente, la fin est rushée, et même le manga m'a déçu (on a pas la même lecture politique de l'oppression systémique, disons).


Imaginer des alternatives décentralisées à Reddit

juin 16, 2023 Temps de lecture: 11 minutes

A titre personnel, je n'ai pas de compte sur Reddit. Par contre, je m'en sers parfois pour tuer le temps, ou bien pour consulter des ressources qui ont été compilées dans un sub-reddit à défaut d'un Discord ou d'un Wiki. Au moment de la rédaction de ce billet, Reddit fait beaucoup parler de soi car une grosse partie de sa communauté est en "grève" pour protester contre l'administration du site, donc ça parle aussi de chercher des alternatives si la situation n'est pas rattrapable... et c'est là que ça a commencé à m'intéresser.

Déjà, c'est quoi Reddit ?

Je pensais trouver moults articles de blog expliquant le fonctionnement, à l'image de Mastodon dont plein d'utilisateur-ices voulaient en faire la promotion. J'ai été un peu déçu de mes recherches, même si je n'exclue pas d'avoir mal cherché. Il est possible que Reddit ayant une forme de monopole en tant que plateforme, personne ne ressente le besoin d'écrire des "guides" pour inciter les gens à venir et à rester... il est également possible que la prise en main soit tellement facile, qu'il n'y a pas besoin de guide.

J'ai trouvé un article Medium pas trop mal (même si je n'aime pas la plateforme), et la page Wikipedia me semble assez claire aussi.

Donc, officiellement, Reddit est un "agrégateur de liens". Cette dénomination ne me parle pas du tout. Si je devais en faire mon propre résumé, je dirais que Reddit c'est un réseau social qui est plusse focalisé sur les discussions que sur le culte de la personnalité (type Facebook, Twitter, Instagram). Pour citer Wikipedia, en 2020 il se place comme le 20e site web le plus populaire au monde... sauf que 60% de son traffic provient des États-Unis, ce qui explique que le site soit moins connu en France par exemple.

Ce qui fait sa spécificité, c'est l'existence des subreddit (« sous-reddit » en français). Chaque subreddit est une section de Reddit dédiée à un thème spécifique, créée par les utilisateur-ices (et non les administrateur-ices de Reddit) et modérée par une équipe de modérateur-ices bénévoles. La diversité de ces subreddit explique que sur le même site, on se retrouve avec des ambiances totalement différentes selon que l'on tombe sur des communautés de fans d'animaux mignons,  d'incels, de personnes trans...

Pour ma part, je lis beaucoup de choses postées sur des subreddits de conseils relationnels (r/AmITheAsshole "suis-je un enfoiré ?", r/relationships/, r/polyamory/ pour les questions de polyamour...) mais il m'arrive aussi de trainer sur des subreddits dédiés aux jeux vidéo, pour y trouver des conseils ou suivre les actualités d'une prochaine sortie.

Donc, pour un-e utilisateur-ice sur Reddit, il est possible de s'abonner à différents subreddits, d'y participer en postant ou commentant des choses, voir de créer et administrer un subreddit si le boulot ne leur fait pas peur. 

Pourquoi les gens cherchent à en partir ?

Y'a cet article de Ouest-France qui en parle. En gros la direction de Reddit veut rendre payant l'accès au site par les applications tierces (sur mobile par exemple), sauf que les tarifs en question sont absolument prohibitifs et visent clairement à faire fermer ces applications. L'outrage est d'autant plus grand que certaines appli sont bien plusse accessibles (en terme de handicap) que l'appli officielle...

Pour protester contre ces changements, beaucoup (beaucoup) de subreddits ont fermé pendant 48h. Certains ont poursuivi leur fermeture, d'autres ont rouverts en imposant des restrictions malicieuses (je pense à r/Pics qui se restreint maintenant aux photos sexy du présentateur John Oliver). Les équipes de modérateur-ices, qui je le rappelle sont bénévoles, font face à de grosses pressions de la direction de Reddit pour reprendre un fonctionnement normal, et arrêter de leur couter en revenus publicitaires avec leurs fermetures de protestations. Ambiance...

Et du coup, des alternatives décentralisées ? Kesako ?

Au début, quand on m'a parlé d'alternatives décentralisées à Reddit, j'ai eu du mal à imaginer le bazar. C'est le piège confortable des grosses entreprises qui ont établi un monopole centralisé sur les réseaux sociaux ces dernières années : on n'imagine plus rien autrement. 

Là, comme Reddit c'est un seul site web, c'est difficile d'imaginer ce que ça donnerait en décentralisé. Je vais essayer de proposer un cas d'usage.

Moi, j'aime bien les jeux vidéo, donc je crée un serveur décentralisé "comme Reddit" (je vais faire des billets détaillés sur les solutions existantes pour ça) et je l'appelle jm-les-jeux.com

A partir de ce serveur, je peux créer plusieurs sous-sections, une pour chaque licence de jeux que j'aime :

  • jm-les-jeux.com/Zelda
  • jm-les-jeux.com/TombRaider
  • jm-les-jeux.com/NeedForSpeed

Et quand des gens se ramènent sur mon serveur, elleux-même peuvent créer d'autres sous-sections : jm-les-jeux.com/Sims, jm-les-jeux.com/Skyrim...

Pour l'instant c'est "comme Reddit", parce que je retrouve tout ce que je veux au même endroit.

Imaginons que je ne sois pas le seul à faire un serveur "comme Reddit", et que je découvre qu'il en existe un autre, jeux-inde.net, avec ses propres sous-sections :

  • jeux-inde.net/Undertale
  • jeux-inde.net/OuterWilds
  • jeux-inde.net/Hades

Avec mon compte sur jm-les-jeux.com je peux m'abonner aux sous-sections de jeux-inde.net et ainsi suivre ce qui s'y raconte. Plutôt pratique, non ?

(Note : Evidemment, pour que tout soit génial, il faut que les deux serveurs communiquent bien entre eux et soient "découvrables" mutuellement par les utilisateur-ices... Je mentionne ce point car c'est souvent le défi technique de la décentralisation : si les serveurs ne communiquent pas entre eux, alors on va revenir à une situation de monopole.)

Un troisième serveur débarque, et celui-ci c'est toxic-gamer.fr... Il a une sous-section "League of Legends" qui m'intéresse, mais c'est peuplé de trolls agressifs donc c'est pas du tout possible d'y passer un bon moment. Je peux alors décider de créer ma propre sous-section sur mon propre serveur, jm-les-jeux.com/LeagueOfLegends. C'est pas grave qu'il en existe plusieurs sur le vaste Internet. Elles seront peut-être "en concurrence", mais si elles offrent une expérience différente (par exemple en terme de communauté et de modération), il est possible que chacune trouve son public.

Je me suis demandé si des "doublons" de subreddits existaient sur Reddit : déjà, il ne peut pas y avoir deux subreddits avec le même nom. Ca n'empêche pas plusieurs sub d'exister sur le même sujet, mais j'ai l'impression que bien souvent il y a une volonté de se distinguer mutuellement, par exemple r/zelda est pour "tout ce qui touche aux jeux Zelda", là où r/truezelda annonce préférer "les discussions sur l'univers de Zelda sans se faire noyer sous des partages d'images et de vidéos". C'est aussi possible que la compétition entre subreddits soit trop inégale pour qu'un petit nouveau puisse débarquer avec son r/BestOfZelda et espérer se faire remarquer au point de rivaliser avec les subreddits déjà bien établis...

Et du coup, ces alternatives ?

Pour l'instant il en existe deux, Lemmy et kbin. Toutes deux sont récentes, pas encore en version 1 (donc on considère qu'il manque encore des fonctionnalités importantes), elles proposent bien de créer des sous-sections et de s'abonner à d'autres. Si j'en crois le site FediDB, au moment où j'écris il existe 55 serveurs kbin et presque 900 serveurs Lemmy.

Visuellement, je trouve qu'elles se ressemblent, enfin qu'elles ressemblent à Reddit surtout. Je pense qu'il faudra attendre qu'elles progressent dans leur développement pour y voir des différences significatives. 

Quand je les aurai suffisamment testées, j'essaierai d'écrire un article comparatif.


Féminisme et transition : mon rapport au genre

avril 2, 2023 Temps de lecture: 5 minutes

En début d'année 2022, je lisais The Guilty Feminist ("la féministe coupable"), un livre tiré d'un podcast du même nom, où des femmes féministes discutent de leur vie, leur lutte, et ce qui les fait se sentir hypocrites dedans.
Et souvent, ce qui les fait se sentir hypocrites, c'est d'apprécier des choses faites "pour" les femmes : les produits de beauté, les émissions télévisées qui parlent de relooking ou d'amour...

La lecture de ce bouquin, outre son côté informatif sur les luttes féministes, m'avait un peu conforté dans le fait que : j'étais pas une femme. Parce que de toutes les femmes interviewées, je ne m'identifiais à aucune. Et je viens de mettre le doigt sur pourquoi.

Toutes ces femmes ont en commun de quand même, sur certains points, "coller" à l'image de La Femme telle que véhiculée par les médias et désirée par la société. La Femme est hétéro, elle a des cheveux longs qu'elle coiffe, elle n'a pas de poils, elle se maquille et elle aime ça, elle porte des jolis vêtements car elle aime la mode, elle a des enfants et un instinct maternel.

(Elle est aussi blanche, fine et valide, mais j'ai pas envie de couvrir ces points là, qui tiennent moins du "comportement" et plusse de trucs sur lesquels on a peu de contrôle).

J'ai l'impression, toute ma vie, d'avoir entendu un discours féministe qui disait "on peut être une femme et aimer les sciences", "on peut être une femme et ne pas vouloir d'enfants, on n'est alors pas moins une femme", "on peut être féministe et aimer le maquillage". Et je me disais : oui, absolument, je suis d'accord avec vous, les femmes peuvent être qui elles veulent... Mais quand on coche vraiment absolument aucune "case" de la féminité ? Est-ce que c'est normal ? Est-ce qu'on est encore une femme ?

Question compliquée, y'a plein de manière de définir ce qu'est être une femme. On peut dire que malgré tout ça, j'étais quand même une femme car je subissais du sexisme. Cependant je ne me "sentais" pas femme.

Le livre Guilty Feminist essaye de déculpabiliser les femmes d'aimer ce qui est désigné comme "féminin". Moi, dans mon adolescence, j'aurais eu besoin de déculpabiliser de ne rien aimer de féminin. J'aurais voulu qu'on me parle des féministes "moches", celles qui se maquillent pas, ne se rasent pas les poils et ont les cheveux courts. [Edit : j'aurais en fait du lire Virginie Despentes.] Et je comprends pourquoi ça ne s'est pas fait : il aurait fallu que j'aille les chercher, car la société et les médias préfèrent mettre en avant les femmes qui luttent mais "s'autorisent à rester belles", au contraire des féministes "hystériques qui n'aiment personne".

Maintenant que j'ai compris et que j'arrive à expliquer pourquoi je ne me suis jamais senti femme, et pourquoi le discours féministe n'arrivait pas à calmer ma gêne, passons au point contradictoire qui me travaille depuis longtemps.

Une pensée qui me poursuit depuis que j'ai décidé d'entamer une transition masculine, c'est : est-ce que c'est pas de la lâcheté ? J'ai préféré quitter la classe des femmes plutôt que rester et me battre pour faire reconnaître ma version de la féminité. Est-ce que je ne prive pas "la cause" d'un apport différent mais aussi nécessaire ?

C'est là que je suis content d'avoir lu Stone Butch Blues, que je ne veux surtout pas spoiler, mais qui m'a fait beaucoup de bien. Quand je l'ai commencé, j'espérais trouver un personnage qui soit "exactement comme moi". Ce n'est pas le cas, et ce n'est pas très grave. J'en parle parce que ça m'a fait prendre conscience d'une chose : ma transition répond à des besoins, et ces besoins peuvent changer, et cette transition aussi. Actuellement, ne pas être perçu comme femme me fait du bien, et je me réconcilie un peu avec l'image que j'ai de moi. C'est tout ce qui compte. Je peux toujours décider d'être, ou de redevenir, une femme plus tard. Ce n'est pas définitif.

Dans ce contexte, détransitionner ne voudrait pas dire que je regrette la première transition, mais que mes besoins ont évolué.

(Si ça se fait, j'appellerais sans doute pas ça une détransition d'ailleurs)

Je précise au cas où : tout ceci, c'est mon ressenti personnel et je ne veux rien dicter à personne.
À la base je suis pas très à l'aise de partager mes pensées, je le fais quand même car ça me semble important, surtout pour les personnes qui pourraient se retrouver dans mes questionnements.
J'apprécie de pouvoir échanger avec des gens et comparer nos expériences de vie, vous pouvez aussi me dire si y'a des trucs où vous êtes pas d'accord, mais je demande que ça se fasse avec bienveillance. Ça m'intéresse pas de me faire défoncer à propos de mon propre ressenti. Et j'aurai aucune hésitation à bloquer plutôt qu'argumenter si ça se fait dans la mauvaise foi.


À Propos

Non-binaire, avide de lecture, j'avais envie d'essayer le format blog pour garder une trace de mes pensées. Je m'intéresse au féminisme, au rapport au genre, à la gestion du conflit et à la justice réparatrice.